Le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick est un organisme de financement des arts indépendant dont le mandat est prévu par la loi pour faciliter et promouvoir la création d’œuvres d’art et l’administration de programmes de financement pour les artistes professionnel.les de la province.
Série artiste en vedette artsnb – Rédigé par Sylvie Pilotte
Vue d’atelier. Photo: gracieuseté de l’artiste.
Printemps 2019! Je m’y revois encore, me consacrant pleinement à mon projet de création intitulé Jamais rassasiés!, installée dans un studio loué à Dalhousie, grâce à une subvention d’artsnb obtenue dans le cadre du programme de Création. Je me souviens de cet état de fébrilité dans lequel je me trouvais devant ce champ des possibles que représentait ce projet pour ma démarche artistique.
En 2019, j’étais une artiste à la pratique émergente en arts visuels. Je travaillais à l’aide d’une technique mixte où le collage tenait une place privilégiée, en accord avec une idéologie de décroissance sur le plan matériel. Il était donc impératif de recourir à cette technique d’emprunt et de construction pour ce nouveau projet.
Œuvre en cours de création. Photo: gracieuseté de l’artiste.
Le projet Jamais rassasiés! me sortait de ma zone de confort et me libérait du cadre, de cet espace limité auquel me contraignait le tableau conventionnel. Avec ce projet, j’explorais la troisième dimension avec des sculptures de forme hybride. Le défi que comportait la création d’œuvres sculpturales composées de plusieurs éléments hétéroclites, à la fois bidimensionnels et tridimensionnels, concernait plus d’un aspect du processus de création. Toutes les facettes non seulement de la sculpture dans son ensemble mais aussi de chaque élément qui la composait devait être pris en compte afin de retenir l’attention du spectateur.trice à chaque détour. L’assemblage devait aboutir à une œuvre cohérente malgré sa complexité, participant ainsi au propos derrière le projet. Après essais et erreurs, diverses stratégies ont été développées selon le type de matériau pour articuler les éléments autour d’une structure centrale qu’il avait fallu trouver dans un premier temps. De ces expériences, j’ai retenu les techniques les plus efficaces et elles me servent, depuis, à la création de nouvelles œuvres.
Œuvres en cours de création. Photo: gracieuseté de l’artiste.
Le thème principal sur lequel je souhaitais m’exprimer était celui de la surconsommation. Les artistes de l’Arte povera ou ceux du Nouveau réalisme, deux mouvements artistiques d’influence sur ma pratique, l’avaient pour thème dans les années 1960-1970, et cette tendance à la dépense est toujours bien ancrée dans notre culture. À cause de son impact dévastateur sur l’écosystème, d’aborder le sujet aujourd’hui, c’est de continuer à y faire face. Les populations les plus vulnérables paient un lourd tribut face à ce phénomène. Aussi, je me suis intéressée à la dimension humaine dans cette série. Je crée inéluctablement en réaction à des réalités asservissantes. En fin de compte, je suis une artiste en quête constante d’une plus grande liberté.
Le recyclage a toujours été ma principale source d’approvisionnement en matériaux, à commencer par les coupures de magazine. Certains matériaux sont amassés sur une longue période de temps et peuvent impliquer la participation de mon entourage. Le projet Jamais rassasiés! s’est inscrit dans cette démarche, avec ses emballages, ses déchets et ses surplus industriels générés par la consommation courante. Quand entamer une œuvre est quelque peu ardu, j’ai pour habitude de faire une sélection arbitraire de ces matériaux fragmentés en rupture avec leur contexte original pour déclencher mon processus de création, lequel repose sur l’improvisation. Ces fragments sont triés ensuite pour leur potentiel de suggestivité. En intégrant dans mes œuvres des objets qui ont perdu de leur utilité ou qui sont devenus désuets, en les transformant en matière, j’en extrais des informations sur notre mode de vie qui me permettent d’approfondir ma réflexion.
Œuvres en cours de création. Photo: gracieuseté de l’artiste.
En 2022, soit trois ans après la concrétisation de ce projet, plusieurs de mes sculptures ont été exposées pour la première fois, quelques-unes dans leur version originale et d’autres dans des versions améliorées. Le projet de création Jamais rassasiés! a ainsi évolué en projet d’exposition que j’ai intitulé Cornu copiæ. Non seulement Cornu copiæ est attendu par d’autres galeries, mais il a aussi fait l’objet d’un article sur le site Web de la revue Vie des arts. Ce sont là des retombées de mon projet de création bénéfiques à ma pratique qui vont au-delà du champ des possibles que j’entrevoyais en 2019.
Ma pratique en arts visuels se profile alors que je fais mes études en graphisme et prend racine dans le nord du Nouveau-Brunswick après m’y être installée en 2011. Appelant à une réflexion sur les valeurs sociales et les comportements collectifs, mes projets embrassent autant la forme bidimensionnelle que sculpturale, l’installation et, plus récemment, le multimédia. Ils sont régulièrement en exposition et soutenus à différentes occasions par des organismes de soutien aux arts. Plusieurs de mes œuvres font partie de collections publiques et privées, et une monographie intitulée Sylvie Pilotte, ou le règne contesté de l’image est publiée en 2020.
Restez à l’affût de la pratique artistique de Sylvie Pilotte :
En tant qu’entité provinciale, le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick reconnaît qu’il effectue son travail sur le territoire traditionnel non cédé des peuples Wolastoqiyik, Mi’kmaq et Peskotomuhkati. Lisez la déclaration en entier ici.