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Protocole autochtone
AVIS: Le protocole autochtone suivant a été écrit par l’aînée Mi’kmaw et Innu, Tortue Blanche. On nous a demandé de partager ce texte comme ressource pour ceux qui désirent travailler avec les peuples autochtones. En communiquant avec ces groupes, il y a parfois des détails importants dont il faut se rappeler. Hors des nécessités de traduction, le texte suivant est présenté intégralement.
Cher lecteur. Kwe. Je suis Femme Tortue Blanche. J’aimerais saisir cette occasion pour vous offrir quelques réflexions basées sur mes observations et mes expériences en tant que femme autochtone vivant et travaillant dans la société dominante qu’on appelle le « Canada », qui ne comprend et n’apprécie pas toujours le fait que je suis autochtone.
Étant donné que de plus en plus d’organisations et comités s’efforcent à mieux représenter la communauté entière où ils vivent et travaillent, j’aimerais offrir les idées qui suivent sur le Protocole Autochtone pour que plus de monde puisse mieux comprendre comment planifier et mener des réunions et des échanges entre les peuples autochtones et non-autochtones.
Ces réflexions sont basées sur mes propres expériences ayant vécu dans votre société au long des années et incluent mon travail au Centre Tatamagouche en Nouvelle Écosse, spécifiquement sur le travail de justice sociale et la création de liens respectueux entre les peuples autochtones et non-autochtones.
J’ai appris dès le début que créer des liens respectueux ne repose pas simplement sur l’acte de rassembler les gens en espérant des bons résultats. Il y a trop de racisme et d’oppression souffert d’un côté, et trop d’histoire et de peur des deux côtés, ainsi que bon nombre d’émotions compliquées et de réalités qui doivent être admises.
Ces nouveaux liens commencent avec plus de succès quand les gens s’y engagent avec une prise de conscience préalable et avec intentionnalité.
Ce n’est pas mon intention de parler pour tous les peuples autochtones. De plus, cette base de réflexion ne vise pas à s’adresser à tous les cas qui se présenteraient. J’ai déjà observé plusieurs très bonnes intentions tourner mal sans aucune compréhension du pourquoi, et en conséquence, les relations sont devenues encore plus tendues qu’elles l’étaient avant.
Mon espoir est de créer une compréhension, une prise de conscience, et des opportunités pour que des discussions prennent place entre vous avant même que vous invitiez une personne autochtone à vous rencontrer. J’ai appris que la présomption que tout le monde soit sur la même longueur d’onde peut conduire au désastre et par la suite aux cultures s’affrontant au lieu de collaborer.
Ces réflexions ne visent qu’à servir comme guide général pour des protocoles comme renseignements de base, spécifiquement pour les activités générales. Les activités cérémoniales ont des protocoles séparés dont je n’adresserai pas ici. J’écris en reconnaissance du fait que plusieurs ou même la plupart des personnes non-autochtones ne connaissent pas nos croyances de base et de notre façon d’être avec le monde, pour nombre de raisons.
Aussi, ceci ne vise pas à vous faire sentir mal. C’est simplement pour vous faire réaliser d’avance la réalité dont font face les peuples autochtones à chaque jour, qui informe notre perspective quand nous entrons dans votre monde.
Et au moment où nous sortons de notre communauté, nous entrons véritablement votre monde.
- Plusieurs d’entre nous ne nous considérons pas Canadiens, alors n’assumez pas que nous le sommes. Le Canada a été établi par la violence et le racisme des colons européens impérialistes. Nous appartenons à l’Île de la Tortue, et il y a une grande variété de territoires sui sont reconnus par notre peuple. Je crois que c’est une question de vérité et de respect que ceci soit spécifié d’une façon ou une autre.
- Plusieurs d’entre nous ont été élevés ayant vécu et souffert des dommages profonds et des violations causés par la société et les habitants dominants. Alors, quand nous participons pour la première fois, faites nous sentir bienvenus en nous accueillant spécifiquement et donnez nous l’occasion de nous présenter. Ceci peut faire une grande différence pour mettre en place ce qui est nécessaire et établir un nouveau genre de relations.
- Nos problèmes avec la société/les colons dominants débuta généralement avec des atrocités historiques contre nos peuples, et même si vous n’avez pas participé à ces actions, vous profitez quand même encore des avantages, des générations plus tard, tandis que nous ne profitons d’aucun avantage. Au contraire, nous souffrons encore, de façons complexes et multiples, les torts et les violations.
- Aussi, ceux qui profitent de ces avantages historiques et perpétués ne reconnaissent pas toujours quand les questions de privilège des sociétés/colons dominants entrent en jeu pour nous. Nous les voyons et réagissons, parfois en se fâchant, parfois en se retirant. Prêtez attention à cela car, ce pourrait être la seule chance que vous avez à nous inviter à joindre le cercle.
- Nos familles, communautés et réalités quotidiennes sont très différents des vôtres. Dans la majorité des cas et façons, nous sommes encore en mode de survie comme communautés, comme peuples. La famille et la communauté sont prioritaires, alors parfois nous sommes en retard. Peu importe nos engagements à l’extérieur, quand quelque chose relié à ces derniers se produit, nous avons une responsabilité de s’en occuper en premier. Notre intention n’est pas d’être irrespectueux de nos responsabilités envers vous. Souvent le simple fait que nous nous présentons est par respect de notre responsabilité à notre engagement envers vous.
- Souvent vos discussions traitant de vos temps de fêtes nous semblent intrusives. Vos fêtes, basés principalement sur le christianisme, nous ont été imposées au cours de l’histoire et, jusqu’à récemment, par les écoles résidentielles qui étaient brutalement conçues et mises en œuvre; parfois cela nous isole du groupe. De plus, en tant que recommandation, peut-être les groupes non-autochtones prendront de manière proactive la décision, comme sujet/thème pour une discussion plus poussée dans le futur, de discuter honnêtement des impositions par le gouvernement Canadien et l’église chrétienne du système d’écoles résidentielles qui était un phénomène bien plus destructif, fatal et criminel que la plupart des gens non-autochtones sont capables d’admettre. Alors bien que plusieurs d’entre nous continuent à participer à ces fêtes, s’il vous plait n’assumez pas que nous avons la même relation à, ou idée à propos de, ces fêtes. Beaucoup de nos souvenirs du temps de Noël passé dans les écoles résidentielles, fondées par le gouvernement Canadien et opérées par l’église chrétienne, avec lesquels nous nous débattons encore.
- Lorsque des membres de votre groupe se trouvent en conflit, quelle qu’en soit la raison, nous avons tendance à nous retirer, souvent physiquement, jusqu’à ce soit résolu, donc si nous disparaissons soudainement, résolvez vos conflits.
- A titre de mesure politique et pratique, s’il vous plait considérez l’utilisation d’un espace qui accommode le « Smudge », si les peuples autochtones participants le désirent. Cette simple cérémonie nous donne un sens de sécurité immédiate, et parfois nous avons besoin de cette sécurité dans des moments qui sembleraient surprenants pour certains.
- Ne nous demandez rien à prime abord. Nous avons une longue histoire avec les gens voulant quelque chose de nous sans savoir exactement ce que c’est. Prenez le temps de créer un lien en premier. Une fois que ça se produit, sentez-vous libres de nous expliquer en quoi ça sera avantageux à notre communauté. Laissez nous le prendre en considération. Plusieurs « cadeaux » dans le passé, bien intentionnés ou non, nous ont fait beaucoup de mal. Aussi, ne présumez pas que nous allons être d’accords avec vous. Être en accord sur quelque chose qui profitera à nos deux communautés n’est seulement possible qu’avec l’établissement de relations soignées, et avec des communications et prises de décisions respectueuses.
- Quand vous nous demandez quelque chose, des offres de tabac sont appropriées. Un sachet de tabac à pipe est le plus approprié pour les aînés et gardiens de cérémonies, mais du tabac en vrac enrobé de tissu rouge est aussi acceptable. Le tabac est l’une de nos Médecines Sacrées et est utilisé dans nos cérémonies et en tant que devise. Cela montre du respect pour nous et notre culture.
- Offrez des honorariats quand c’est possible, même si c’est seulement pour couvrir les frais de voyage. Nous devons souvent faire le choix entre nourrir nos familles ou assister à votre événement.
- Reconnaissant qu’il y a des traditions culturelles variées qui utilisent l’alcool, sachez que l’alcool a été utilisé historiquement comme arme effective contre nous pour nous voler nos territoires et par la suite, continuant même aujourd’hui, pour nous juger sévèrement. Nous demandons que vous n’établissiez pas de liens avec nous armés d’une telle façon. Même avoir un verre de vin avec un repas avant de nous rencontrer peut nous être offensif.
- S’il vous plait ne nous bombardez pas avec des questions, en particulier au sujet de notre culture. Nous réalisons que plusieurs d’entre vous y prenez un intérêt sincère. Il se peut que beaucoup de gens ne réalisent pas que plusieurs d’entre nous sommes en cours d’en apprendre plus au sujet de notre propre culture, et parfois la honte et l’embarras du fait que nous n’avons pas tous les réponses à vos questions peut nous empêcher de nous engager plus loin.
- Aussi, la plupart du monde ne comprend pas que dans notre culture c’est impoli de demander beaucoup de questions à quelqu’un. En particulier dans le cas des Survivants des Écoles Résidentielles, ce peut être traumatisant étant donné qu’ils étaient souvent interrogés et il n’était jamais possible de donner la « bonne » réponse. Des punitions sévères étaient souvent le résultat de nous avoir demandé beaucoup de questions directes. Dans mon expérience, si on prend le temps de vraiment écouter quand quelqu’un parle, on peut trouver beaucoup de réponses dans ce qu’ils disent.
Je comprends que c’est beaucoup à recevoir et digérer. Dans mes années ayant traité ce sujet j’ai passé beaucoup de temps à aider les personnes non-autochtones à gérer les émotions contradictoires qui peuvent les surprendre autant que les perturber. C’est un choix que je fais intentionnellement et de plein gré. Nous ne le faisons pas tous, alors s’il vous plait, parlez entre vous et continuez à en discuter. Plus vous en discuterez avec vos familles, vos amis, et vos collègues, plus ça va générer une sensibilisation envers le sujet plus il sera probable que nous en profitions.
Dans l’esprit de créer des nouveaux départs pour tous nos peuples – « Toutes mes relations ».