Le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick est un organisme de financement des arts indépendant dont le mandat est prévu par la loi pour faciliter et promouvoir la création d’œuvres d’art et l’administration de programmes de financement pour les artistes professionnel.les de la province.
Aquaria : Fictions est issu du désir d’explorer un lyrisme hyper concentré où la fragmentation et la fabulation prennent le pas sur la linéarité et la raison afin de créer des lieux où s’effondrent les genres littéraires. Les fictions éclairs (ou histoires sur cartes postales ou microfictions ou poèmes en prose) qui composent Aquaria : Fictions comptent moins de 1000 mots, parfois beaucoup moins – mais le défi consistait à beaucoup entasser dans un petit espace, tout en refusant la logique propositionnelle au profit d’une logique poético-onirique. Les fictions d’Aquaria : Fictions ne sont pas des histoires, donc, mais ne sont pas des poèmes non plus. J’ai trouvé qu’il était libérateur d’habiter cet interstice.
Ma table de travail (passablement chaotique). Photo : gracieuseté de l’artiste.
Rien de surprenant que je sois attiré par l’écriture aux limites des formes, celle qui ne se range pas nécessairement dans les catégories traditionnelles. Des écrivains tels que Luis Sagasti et W. G. Sebald ont apparemment écrit des romans, mais à la lecture, leurs livres naviguent au-dessus ou à l’extérieur des désignations littéraires. Ce qu’on y trouve plutôt c’est le compte-rendu d’une conscience particulière, une jonglerie d’obsessions mises en relation non par les moyens évidents de la narration et du conflit mais plutôt par la cohérence du style et de la sensibilité. C’est tout le génie de leurs œuvres. Autre exemple, dans le Bluets de Maggie Nelson, on peut lire l’histoire d’une rupture amoureuse ou y voir une longue dissertation sur la théorie de la couleur ou encore une série de fragments philosophiques sur la littérature, la compassion et la solitude. Bien entendu, c’est à la fois cela et autre chose; le projet unique de Nelson, son auto-examen radical, transcende ces thématiques. C’est dire que ce petit livre Bluets est réellement gigantesque. Et je pige qu’elle qualifie son approche de « nomadique ». Je prends le temps de parler de ce livre – malgré que mon projet diffère radicalement du sien par son approche et son contenu et que les nuances et la beauté chez Nelson m’échappent – parce que j’aspire à cette sorte de nomadisme littéraire.
Avant d’entreprendre ce projet, ma pratique artistique louvoyait entre poésie et prose, entre la densité et l’aérien, l’abrégé et le soutenu. Mes dernières parutions voguent dans cette dialectique formelle. Sulci (The Hardscrabble Press, 2023) est une autopublication de très courts poèmes minimalistes, imagés à la façon des haikus. Sur l’autre versant, The Ignis Psalter (The Porcupine’s Quill, 2025), mon premier roman, présente une certaine densité lyrique mais il est carrément maximaliste à comparer avec les poèmes de Sulci. Avec les éléments d’Aquaria je tente de m’extirper de ces deux polarités ou de passer au travers. Dans la deuxième section du projet, une série de textes de 111 mots explorent la notion d’êtres spirituels, les anges en particulier (111 étant un nombre angélique d’importance en contexte occulte et numérologique). J’étais en quête de lyrisme et de contrainte qui suivraient un fil conducteur formel; je voulais explorer ce que signifierait la spiritualité confinée dans une logique narrative oblique et étrange. Poèmes, histoires, essais ou digressions, peu importe, partout ceci-et-cela s’oppose à ceci-ou-cela.
Quelques sources consultées pendant la rédaction sur les anges. Photo : gracieuseté de l’artiste.
Mon processus créatif, quand je travaille, oscille entre la routine monacale et la prise chaotique de notes. Durant la rédaction de mon roman, je me levais à 5 h 30 tous les matins pour écrire avant d’aller travailler, et je me dis que je reprendrai cette méthode un jour ou l’autre. Le processus pour Aquaria n’était pas structuré au même point – je trimballais un carnet et notais des images et des répliques partout où j’allais et je puisais ensuite dans ces notes des éléments significatifs. Je dis aux écrivain.es en herbe d’avoir un carnet – de développer un amour de la papeterie et d’avoir plusieurs carnets dans plusieurs différents endroits. Et bien sûr les applis de notes font l’affaire au pire aller : nous trimballons toujours nos téléphones.
Certains des carnets utilisés pendant l’écriture du projet. Photo ; gracieuseté de l’artiste.
Être écrivain.e c’est important pour moi parce que l’art permet de concentrer notre vision. Vision dans le sens réducteur et physiologique mais aussi au sens de William Blake, grande figure de la littérature. Autrement dit, écrire et faire de l’art c’est aiguiser notre capacité de voir, de remarquer. De considérer non seulement le visible mais aussi l’invisible, ce qui est caché. Il est particulièrement crucial de nos jours d’entraîner notre vision au moyen de l’art, alors que notre attention est happée et nous est ensuite revendue au moyen de ces petits rectangles de vitre toujours dans nos poches. Je ne dis rien de nouveau (attention artistique vs les écueils des réseaux sociaux, etc.) mais ça mérite d’être répété. Un moyen de combattre les pires fléaux de l’anthropocène consiste à développer notre capacité visionnaire en faisant de l’art. C’est pourquoi des organismes comme artsnb sont essentiels – ils fournissent moyens et espace pour créer, élargir notre capacité de voir, qui est également la capacité de nous améliorer comme êtres humains.
Page comportant une citation de Simone Weil, imprimée par Keagan Hawthorne, qui dirige The Hardscrabble Press à Sackville au N.-B., vit sur mon pupitre. Dans cette photo on voit aussi un morceau de cornaline, une pierre associée à la chaleur et la créativité. Photo : gracieuseté de l’artiste.
Danny Jacob a publié des poèmes, des œuvres de fiction, des critiques et des essais dans une diversité de revues canadiennes. Son livre documentaire Sourcebooks for Our Drawings: Essays and Remnants (Gordon Hill Press, 2019) a reçu le Prix du documentaire de la Writers’ Federation of New Brunswick. Son premier roman, The Ignis Psalter (The Porcupine’s Quill), a paru en avril 2025. Danny vit à Riverview au Nouveau-Brunswick.
En tant qu’entité provinciale, le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick reconnaît qu’il effectue son travail sur le territoire traditionnel non cédé des peuples Wolastoqiyik, Mi’kmaq et Peskotomuhkati. Lisez la déclaration en entier ici.