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Venir d’ailleurs – Gerard Collins
(Cet article a été traduit de l’original en anglais).
En tant qu’écrivain, on me demande souvent d’où viennent mes idées. J’apprécie le fait que la question se concentre non sur l’artiste, mais sur la source d’inspiration. Mes meilleures idées semblent venir d’ailleurs.
Je suis Terre-Neuvien de naissance, ainsi que par nature. J’ai été façonné par le Roc – autant par mon absence que par ma vie là-bas. Il y a quelques années, lors d’une conférence à Saint John, un membre du public m’a demandé pourquoi je pensais que Terre-Neuve avait tant d’écrivains talentueux. « Écrire, » j’ai répondu, « est un acte de rébellion. » Ceux qui ont été réprimés, ostracisés, privés de leurs droits, ignorés ou même raillés pendant des décennies font souvent entendre leur voix à travers les arts.
Nous, sur la côte Est du Canada, sommes en train de nous réveiller. Le Nouveau-Brunswick commence lui aussi à trouver sa voix. Un jour, les gens se demanderont: « Pourquoi y a-t-il un nombre disproportionné de grands écrivains néo-brunswickois? » Je pense que cela se produira. J’ai déjà vu cela se produire – là où j’ai grandi, dans un port isolé qui ne disposait pas d’écrivains locaux que je pouvais imiter. Mais, ces jours-ci, l’île est inondée de conteurs. Le Nouveau-Brunswick est un endroit magnifique et riche, mais, de temps à autre, j’entends les blagues – que nous ne sommes qu’une « province de passage », et la seule chose qu’on y trouve sont des arbres – une réplique particulièrement cruelle puisque nous perdons nos arbres à cause de la coupe à blanc industrielle. Nous devons préserver ce que nous avons, ou un jour nous ne l’aurons plus.
Quand j’étais adolescent, j’ai entendu Brian Peckford, le premier ministre de ma province natale, déclarer: « Un jour, le soleil brillera et nous n’aurons plus de démunis » – des mots qui se sont incrustés dans mon âme. Le Nouveau-Brunswick a lui aussi des raisons d’être optimiste, avec de nombreux grands écrivains – les merveilleux David Adams Richards et Beth Powning, ainsi qu’une foule de talentueux scribes anglophones, francophones et autochtones qui émergent et dont certains ont déjà été publiés. Les histoires doivent être racontées. Sinon, lorsque nous mourrons, les contes de nos ancêtres quitteront ce monde avec nous.
L’idée pour Black Coyote and the Magic Café m’est venue à la veille de Noël 2015, alors que je déjeunais dans un restaurant à Sussex. Il neigeait dehors, et j’avais prévu un matin d’achats de dernière minute. Au lieu de cela, alors que j’avais le regard fixé sur le mur du restaurant – à un endroit différent que d’habitude – j’ai eu ce que j’appelle mon « moment J.K. Rowling », alors que je ne pensais pas à écrire, l’écriture m’est quand même venue. Au cours des deux heures qui ont suivi, j’ai bu du café et griffonné des notes, comme en transe.
La scène qui se déroulait sous mes yeux s’est transformée en réalité alternative, dans laquelle les serveuses étaient des sorcières dont le mystérieux employeur leur payait un salaire d’un million de dollars pour travailler dans ce café magique. Elles n’acceptaient pas les pourboires et, parfois, refusaient d’être payées. Elles vous servaient du café et vous donnait gratuitement du bacon aussi longtemps que vous proclamiez qu’il s’agissait du « meilleur » bacon que vous n’ayez jamais eu. Cet endroit était une Mecque pour les écrivains, les artistes, les musiciens et les êtres magiques, et ce nouvel arrivant – un écrivain qui souffrait du syndrome de la page blanche suite à une terrible tragédie – avait un rôle épique à jouer dans la vie de ces gens. Le coyote noir dans l’histoire est basé sur un animal que j’ai rencontré jadis, qui est depuis devenu ma muse prédatrice.
Cet hiver-là, j’enseignais à distance à l’Université Memorial et j’avais de nombreuses échéances à respecter. J’ai donc mis de côté le Magic Café, avec l’intention d’y revenir durant l’été. Au printemps, j’ai déposé une demande et obtenu une subvention d’artsnb qui a fait toute la différence. Être écrivain à plein temps n’est pas une vie facile, mais c’est une expérience où les récompenses sont innombrables et me sont vitales.
Ironie du sort, alors que je rédigeais cette première ébauche, j’ai subi une commotion cérébrale qui, pendant plusieurs mois, a entravé ma capacité d’écrire ou même de gagner ma vie. Mais j’ai réalisé que quand une idée est primordiale pour vous, vous trouverez le moyen d’y retourner tôt ou tard. J’ai terminé cette première ébauche, et l’histoire a pu être racontée, mise sur papier une fois pour toutes.
Mes idées viennent donc rarement de mon for intérieur – mais elles prennent vie en moi. Elles volent vers mon cerveau, se nichent dans mon âme, et couvent jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à s’envoler de nouveau. Avec des yeux qui pétillent, elles déploient leurs ailes et font étinceler leurs couleurs. Je ne cherche pas d’idées. Je lis les manchettes d’un journal, j’entends une conversation, ou je me souviens d’un ami d’enfance – ou parfois, une pièce se transforme en quelque chose que je n’ai jamais connu jusque-là, c’est alors que l’écriture devient à la fois une fouille et une exploration.
Ce dernier roman est le tout premier que j’ai rédigé dans ma province d’adoption du Nouveau-Brunswick. Je suis désormais ici depuis assez longtemps, et le sol résonne avec passion sous mes pieds, je trouve un sens à ce ciel scintillant et toujours changeant, et les images de l’avenir me parviennent comme une invitation indéniable à raconter ces histoires, à participer au retour des réprimés – à retrouver ce qui était perdu et se souvenir de ce qui avait été oublié.
La compulsion à écrire vient de l’intérieur, mais les meilleures idées viennent d’ailleurs.
Gerard Collins est un écrivain né à Terre-Neuve et qui vit désormais au Nouveau-Brunswick. Son premier roman, Finton Moon, a été sélectionné pour le prix littéraire international IMPAC de Dublin en 2014, le prix Sunburst pour l’excellence en littérature fantastique canadienne en 2013, le prix Patrimoine et de Histoire de Terre-Neuve-et-Labrador en 2014, et a remporté le prix du premier roman Percy Janes. Son recueil de nouvelles, Moonlight Sketches, a remporté le prix littéraire de Terre-Neuve en 2012. Gerard, titulaire d’un doctorat en littérature gothique nord-américaine, a remporté de nombreux prix littéraires, a été publié dans des revues et des anthologies, et son oeuvre a été adaptée pour une pièce radiophonique. Il dirige souvent des ateliers d’écriture et des retraites créatives, sert régulièrement au sein de jurys d’art, et guide des écrivains prometteurs à travers le Canada. Gerard vit dans un chalet au bord d’un lac, d’où il donne des cours universitaires à distance et écrit.
En 2016, Gerard a reçu une subvention d’artsnb pour écrire la première ébauche de son dernier roman, Black Coyote and the Magic Café.
Vous pouvez suivre le travail de Gerard sur son site Internet.
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