Opinion : Les contributions passives de la déshumanisation

Rédigé par Starlit Simon

Ankweywitew, Matues robe exposée au Saint John Art Centre dans le cadre de l’exposition collective Wayfinding. Canva, aiguilles de porc-épic, acrylique, babiche. 2022. Photo : Naomi Peters.

Ce que révèle le cas des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) pour moi, c’est la déshumanisation des peuples autochtones et le fait que les femmes et les filles autochtones sont confrontées aux effets mortels et horribles de cette déshumanisation.

D’où vient cette déshumanisation ?  Du racisme, à 100% ! Mais même l’allié.e problématique aux prises du « syndrome du sauveur » et qui revêt l’apparence d’un.e être bien intentionné.e pour satisfaire son ego est tout aussi problématique dans la déshumanisation des peuples autochtones. 

Le tokénisme, la compartimentalisation, le trauma porn sont autant de façons de ne pas se préoccuper de l’impact sur le bien-être de l’individu. Ces microagressions, agressions déguisées ou agressions bien intentionnées, contribuent également à une déshumanisation collective et à un discours selon lequel nous ne sommes pas aussi humain.es.

Ce ne sont peut-être pas les causes directes, mais ce sont les boulons qui fixent et maintiennent en bon état la machine bien huilée du racisme institutionnalisé, du contrôle et du pouvoir. Souvenez-vous qu’il y avait des gens au sein des systèmes de pensionnats qui pensaient faire une bonne chose et qui croyaient sauver les enfants autochtones en leur donnant une «éducation» qu’ils, on en était certain.es, ne recevraient pas autrement.

Dans toutes les atrocités historiques des génocides et des démocides, vous pouvez trouver des personnes qui ont participé ou travaillé pour le système d’une manière ou d’une autre et qui déclarent que leurs intentions étaient bonnes, et ils réfléchissent avec horreur à ce à quoi ils et elles ont participé et disent des choses comme «à l’époque, nous pensions que nous faisions une bonne chose».

Le fait de nous considérer comme moins qu’humain.es permet à ceux qui détiennent le pouvoir et les privilèges de se sentir à l’aise. Pour atténuer la culpabilité et la honte qui en découlent, les autochtones sont réduits à l’état d’une liste de cases à cocher dans laquelle il est possible de cocher une ou plusieurs actions à exécuter. Lorsque la ou les tâches sont accomplies et que les cases sont toutes cochées, les privilégié.es peuvent alors se désengager de ce qui est réellement requis ; une relation continue qui donne continuellement une voix, du pouvoir et de l’autonomie aux personnes autochtones.

Avec cette robe que j’ai confectionnée, j’espère susciter suffisamment de malaise chez ceux et celles dont les corps seraient privilégiés si jamais ils étaient porté.es disparu.es ou assassiné.es, pour qu’ils agissent en continuant de prêter attention, à inclure, à nourrir et à accepter les personnes autochtones en tant qu’êtres humain.es souverain.es.

Ankweywitew, Matues, le devant de la robe. Photo : gracieuseté de l’artiste.

J’ai nommé cette œuvre Ankweywitew, Matues, ce qui signifie en mi’kmaw «il/elle veillera sur moi, le porc-épic». Les aiguilles de porc-épic représentent l’armure que les femmes et les filles autochtones doivent porter pour exister et être en sécurité dans ce monde.

Le cœur sur la poitrine est le cœur de notre mère la Terre qui continue de battre pour nous et où nous retournons tous.tes pour être enfin en sécurité dans son étreinte. 

Ankweywitew, Matues, le devant de la robe (détail). Photo : gracieuseté de l’artiste.

Le dos de la robe ressemble à un ensemble d’ailes pour les FFADA qui sont passées dans la prochaine dimension, où j’aime à penser qu’il existe un terrain de jeu qui est enfin nivelé.

Ankweywitew, Matues, le dos de la robe.  Photo: gracieuseté de l’artiste.

Le déversement de pétrole est non seulement symbolique de la façon dont nous devons maintenant récolter nos aiguilles de porc-épic – à partir des animaux tués sur la route – mais il est également représentatif des camps d’hommes des installations pétrolières qui ont été identifiés comme des endroits où il y a des taux élevés de FFADA.

Ankweywitew, Matues, le devant de la robe (détail). Photo : gracieuseté de l’artiste.

Les motifs à double courbure représentent le début et la fin des histoires. Les nombreuses vies autochtones qui ont débuté puis qui se sont terminées brusquement dans la violence. La robe dans son intégralité ne peux être portée, ce qui symbolise les nombreuses personnes qui sont toujours portées disparues.

Les créations artistiques, les récits et la poésie du phénomène FFADA nous font prendre conscience que nous sommes effectivement humain.es et précieux et précieuses. Elles nous rappellent, de manière douce ou brutale, de ne jamais cesser de chercher, de défendre ou d’honorer. Elles nous signalent que nous avons notre propre voix et que nous savons ce dont nous avons besoin. Elles expriment que nous sommes tout aussi uniques dans notre individualité que nous le sommes en tant que nation partageant un traumatisme colonial. Elles réclament que la balance soit renversée de manière à ce que les femmes et les filles autochtones n’aient pas pour seule option, en naissant dans ce monde, d’être résilientes ou de mourir, mais bien de vivre et de s’épanouir.

Pour créer cette robe et rédiger cet article de blogue de manière attentive, patiente et réfléchie, j’avais besoin de temps, de soutien et de compréhension, ce qu’artsnb m’a offert grâce à un financement généreux dans le cadre de son programme de subventions Équinoxe et à une communication ouverte exceptionnelle.  Wela’lioq / Merci à tous.tes.


Starlit Simon est une Mi’kmaw de la Première Nation Elsipogtog et une candidate au doctorat à temps plein à la Faculté d’éducation de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB). Elle a déjà travaillé comme instructrice en langue mi’kmaq et comme conseillère pédagogique auprès d’étudiant.es autochtones de niveau postsecondaire à UNB.  Starlit a obtenu un baccalauréat ès arts en sociologie de UNB en 2006 et un baccalauréat ès arts en journalisme de l’Université Saint Thomas en 2012.  Elle a ensuite obtenu une maîtrise en beaux-arts en non-fiction créative de l’Université de Kings College en 2015. Ses écrits ont été publiés dans le National Geographic Traveler, Dawnland Voices, Dawnland Voices 2.0 et The Fiddlehead. 

On peut souvent la trouver sur la route en train de chasser les porcs-épics écrasés, pour en récolter les aiguilles afin de créer des œuvres d’art que l’on peut trouver sur son site Web à l’adresse www.starlitsimon.com ainsi que sur ses plateformes de médias sociaux sur Facebook et Instagram sous le nom de Mikmaq Matues. Simon a exposé ses œuvres à la galerie d’art de Saint John et a été deux fois récipiendaire de bourses dans le cadre du programme Équinoxe d’artsnb.  Elle a également été sélectionnée pour une résidence d’artiste de 10 jours à Kouchibouguac au printemps 2021. 

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