Visites oubliées

Rédigé par Nat Cann

Photo : Forlorn Visitations, Memory. Collagraphie 14.75″ x 52.5″, série de 4 éditions. Mâchoire de renard (gracieuseté de la taxidermiste Cheryl Johnson) avec installation d’une cuisinette de chalet. Crédit photo : Sarah Fuller.

Présentée cet automne au Martha Street Studio de Winnipeg, l’exposition Forlorn Visitations ou en français, Visites oubliées, est une série détaillée d’impressions répétées qui sont basées sur une recherche aux quatre coins du Nouveau-Brunswick – les routes secondaires et les petits endroits perdus dans le centre du Canada atlantique. Non seulement il s’agissait de ma première exposition solo complète et thématique depuis des années, mais aussi d’un partage de récits locaux en dehors de la tranquillité des Maritimes. Ce partage a donné lieu à des discussions critiques sur la commodité, le climat et les anciennes aspirations économiques étouffées, qui semblaient bien trop habituelles. L’artiste et le spectateur ont reconnu que les problèmes des régions des Maritimes qui découlent des décisions coloniales ont des liens avec ceux de l’île de la Tortue, une constatation qui n’aurait pu avoir lieu sans l’aide financière des programmes complets d’artsnb. Cependant, une certaine réflexion est nécessaire pour apprécier à sa juste valeur la contribution de ces sources de financement à ce partage d’histoires.

Photos : Fresh Snow et Fresh Snow (détail). Gravures, série de 6, édition de 2021. Impression 2 pouces de diamètre avec des clefs recueillies. Crédit photo : Sarah Fuller.

Photo : Stoic. Monotypes à l’acétone et blocs de denticules, impressions 16 pouces x 60 pouces. Crédit photo : Sarah Fuller.

Au début de l’année 2020, avant que le monde ne s’effondre collectivement, je me suis rendu aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec, pour une résidence de deux semaines cofinancée par le Programme de développement de carrière d’artsnb, volet Artiste en résidence, et l’organisme d’accueil AdMare, Centre d’artistes en art actuel. Cette visite a donné lieu à une série d’œuvres qui portent sur les îles de l’archipel, un lieu où les choses sont joliment peintes. Alors que l’intention de cette résidence était de trouver ce qui attire les gens vers les lieux d’expulsion, les eaux et les vents froids, il s’est avéré que c’était un mélange de tout ce qui est saupoudré dans la culture francophone par la déportationdes Acadiennes et Acadiens et la façon dont cette migration a revendiqué cette terre, en particulier les nombreuses maisons luxuriantes aux couleurs indomptables. Des maisons qui ne sont pas peintes pour s’harmoniser avec leur environnement sauvage, mais plutôt pour l’imiter – un lieu « Où les choses sont joliment peintes » [Well Painted Places] (Kara Au). Cette idée s’étend à presque tous les coins des îles ; depuis les bateaux jusqu’aux niches des chiens, tout a un style formé, complet et résistant.

Photo : Lost. Mono-impressions à l’acétone. Papier inconnu. Impressions 18 pouces x 24 pouces. Crédit Photo : Sarah Fuller.

Cette recherche sur l’archipel solitaire du Québec a suscité un besoin de récits au sens plus profonds qui lient les sujets coloniaux aux questions environnementales, aux impacts économiques, aux histoires, aux patrimoines, et ainsi de suite. Les récits collectifs semblent s’étendre à tous les coins, hameaux et lieux oubliés des Maritimes. Grâce aux résidences nationales dont la participation est financée par artsnb, ces récits collectifs trouvent des liens de parenté avec d’autres lieux. Pourtant, au sein de cette expérience commune, il existe un silence qui n’est tangible qu’avec l’obligation de rendre des comptes : par exemple, les communautés oubliées, la conformité avec l’internement des Juifs d’avant la Seconde Guerre mondiale et l’embarras concernant les droits de pêche des Autochtones. Toutes ces choses se cachent derrière des archives, des rumeurs et l’ultime produit de la colonisation sous forme d’extraction, par les industries lourdes basées sur le pétrole, l’agriculture, l’aquaculture et tout ce qui touche à la sylviculture. Des villes de briques qui savourent une histoire éphémèrement documentée, sur laquelle les peuples d’origine n’ont guère eu leur mot à dire, ni sur les conséquences de ces industries qui prennent forme et qui ont pour effet de changer les conditions à jamais.

Photos : Well Painted Places. Admare, Îles-de-la-Madeleine, Québec. Installation, transfert photo de type Acetone et xylene, contenants de lait, styromousse et bois de grève. Impression 18 pouces x 24 pouces. Crédit photo : Nat Cann (à droite) et Nigel Quinn (à gauche).

Bien sûr, il est très facile de se laisser envelopper par ce passé ; il est conçu pour les amoureux du patrimoine et pour ceux qui, comme moi, ne peuvent s’empêcher de décortiquer les choses. Je mentirais en disant que je n’ai pas été intrigué par l’attrait des propriétés victoriennes et des grandes maisons de ville en pierre brune, que je n’ai pas été séduit par le discours dissuasif sur les questions d’actualité en faveur de ce qui s’est déjà passé. Pourtant, lorsque l’on observe l’actualité, on a toujours l’impression que les les séquelles sont soit ignorées, soit oubliées, soit délibérément passées sous silence. C’est une affaire cyclique qui ne veut pas s’arrêter, à une époque où tant de choses devraient l’être. Et il est très facile de se perdre dans cette affaire,  d’être oubliées comme toutes les autres légendes.

Photo : The Neighborhood. Impression en relief 18 pouces x 24 pouces, Éditions variables de 22, non-encadré. Bois de tilleul, ruban adhésif rouge, crayon sur papier recyclé. Crédit photo : Nat Cann.

Heureusement, avec l’aide d’artsnb, du Conseil des arts du Canada, et de tant d’autres personnes de mon entourage, cette accumulation de travail a pu se concrétiser et trouver un plus grand public national et international. Cela ne veut pas dire que Forlorn est arrivé à une quelconque conclusion. Il y a encore tant d’histoires à exhumer et à partager.

Photo : The Neighborhood (détail). Impression en relief 18 pouces x 24 pouces, Éditions variables de 22, non-encadré. Bois de tilleul, ruban adhésif rouge, crayon sur papier recyclé. Crédit photo : Nat Cann.

Le travail de Nat Cann (il) se concentre sur la hantise des terres – des industries implacables qui gardent immuables les conceptions canadiennes d’un héritage colonialiste, des intentions qui se révèlent souvent malavisées et victimes d’une dégradation par la nature, le temps et l’économie, et des prises de conscience qui évoluent. Ces impressions sont souvent jumelées à de petites installations afin de se questionner davantage sur un lieu et ce qui hante ce lieu, pour attirer l’attention sur de tels lieux, systèmes et traditions. Et plus souvent qu’autrement, cette intrigue mène à d’autres histoires et des éléments qui agissent comme une commutation de l’histoire, des paysages, des peuples, des choses sacrées ou cicatrisées.


Nat Cann a exposé son travail au Canada et à l’étranger, et est reconnaissant d’avoir été mentor, instructeur et assistant technique à de nombreux étudiant.es et professionnel.les non-initiés à la gravure. Nat a bénéficié de résidences dans tout le Canada et ses récents projets d’impression ont été commandés par de nombreuses organisations. Ses résidences l’ont mené dans presque tous les coins du Canada et ses efforts ont été soutenus par les programmes de Développement de carrière, de Création et de Documentation d’artsnb. Nat a obtenu un baccalauréat en beaux-arts de l’université Mount Allison (2012) et réside maintenant à Moncton, au Nouveau-Brunswick, une ville coloniale située sur le territoire non cédé des peuples Wolastoqiyik (Malécite) et Mi’kmaq.

Crédit photo : Holly Brown Bear.

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