Changer la mire : Entre rester connectée et favoriser les connexions

Texte de Fabiola Martinez

Ma pratique artistique a beaucoup évolué au fil des ans, tant au plan de la croissance personnelle qu’en raison d’un changement de milieu. J’ai commencé mon périple en art en tant qu’architecte à Mexico et ma formation dans ce domaine m’a donné une base en conception, en pensée spatiale et en résolution de problèmes. Quand j’ai immigré au Canada en 2007, j’ai changé d’objectif et de pratique pour me consacrer entièrement à l’art visuel. Au début, mon travail artistique était une façon très personnelle de rester connectée à mes racines culturelles, d’explorer la thématique de l’identité, de l’appartenance et du patrimoine à travers la peinture et l’art public.

Mes œuvres s’inspirent des espaces urbains et de l’énergie collective que nous y ressentons. Dans Etereo [Éthéré], j’ai exploré l’architecture de la nature en rapport avec le patrimoine bâti du Old North End de Saint-Jean. Sur les panneaux de bois de cette série, j’utilise de la cochenille, un pigment naturel qui provient d’insectes femelles vivant sur des cactus du Mexique et produisant une riche couleur rouge carmin. J’ai puisé dans l’environnement urbain de Saint-Jean en réfléchissant à l’énergie impalpable qui circule dans et entre les espaces. Dans ma pratique j’insiste sur la lumière comme symbole de l’énergie vitale et invisible qui habite l’architecture tout en faisant honneur aux ressources naturelles et aux techniques ancestrales.

Avec le soutien d’artsnb et du département d’Histoire et de Sciences politiques de l’Université du Nouveau-Brunswick et sous la tutelle de Hepzibah Muñoz Martínez, PhD, j’ai étudié les bâtiments du quartier Old North End de Saint-Jean érigés entre les années 1700 et 1960 pour créer Etereo. Le quartier autrefois florissant du Old North End s’est beaucoup transformé. En collaboration avec l’artiste en textile et créateur de paniers Ralph Simpson, j’ai récolté des plantes de ce voisinage et les ai teints à la cochenille pour les intégrer à mes œuvres dans une convergence de l’architecture de la nature et le patrimoine bâti du quartier.

Dans mon travail, j’explore la thématique du patrimoine culturel, de la communauté, de la mémoire et de l’interaction entre l’architecture et la nature. Ce qui m’attire c’est de constater comment les espaces urbains et naturels contiennent des énergies intangibles et des histoires qui raccordent le passé au présent. Je combine des processus traditionnels et des méthodes contemporaines pour créer des expériences tactiles et immersives. Dans Etereo, j’ai tissé ensemble des formes organiques et géométriques, de la lumière et des palimpsestes d’histoire, offrant ainsi une interprétation des espaces où se côtoient le passé et le présent dans une dimension contemporaine pleine de vie.

« Pour moi, être une artiste au Nouveau-Brunswick, c’est agir comme pont et comme voix, c’est cultiver la compréhension dans une province diversifiée. Les arts renforcent les liens communautaires, préservent le patrimoine et inspirent l’appartenance à travers les générations et les cultures. »

Je crois que la collaboration interdisciplinaire permet une infinité de possibilités d’innovation et de récits. En combinant plusieurs disciplines artistiques, des perspectives culturelles différentes et les multiples voix de la communauté, nous pouvons créer des expériences plus riches et plus inclusives qui résonnent profondément chez les auditoires et renforcent leur sentiment d’appartenance.

Au fil du temps, ma pratique a évolué de manière à inclure un important volet d’engagement communautaire dont le moteur est la collaboration. J’ai participé à plusieurs projets collaboratifs culturels qui m’ont menée à diriger des festivals multiculturels tels que Día de los Muertos Atlantique. C’est l’un de mes projets les plus importants à ce jour, un parfait exemple de collaboration transdisciplinaire : utiliser les arts comme véhicule de connexion avec mes racines et bâtir des ponts entre les cultures et les générations. Le festival s’ouvre à des possibilités infinies en rassemblant les arts, la culture et la communauté à grande échelle, et en remplissant les espaces urbains d’une énergie créatrice.

Le soutien à ma pratique artistique que m’ont apporté les subventions à la Création d’artsnb m’a permis de faire évoluer Día de los Muertos Atlantique pour en faire un festival multidisciplinaire vibrant qui met à l’honneur les arts, le patrimoine et la communauté. Le festival est devenu une plateforme de collaboration entre artistes, une vitrine pour leurs œuvres et un lieu favorable au dialogue interculturel et à l’inclusion. Dynamiser les espaces publics, inspirer des collaborations et renforcer la fierté dans sa communauté : en offrant des ateliers accessibles et authentiques dans les écoles et auprès du public. Le festival favorise les connexions, le dialogue et un engagement communautaire significatif.

En me tournant vers l’avenir, je me vois travailler à élargir davantage cette vision axée sur la collectivité en mélangeant ma formation en architecture, mes habiletés artistiques et ma passion pour les échanges culturels dans des projets qui auront non seulement un impact visuel mais aussi une utilité sociale. Je souhaite continuer à créer des opportunités pour les artistes émergent.es et les jeunes, à concevoir des expériences artistiques participatives et à favoriser le sentiment de fierté collective au moyen d’un art public fondé sur la culture.

Être artiste au Nouveau-Brunswick m’a transformée, m’a amené à m’épanouir personnellement et professionnellement tout en faisant le lien entre mes racines mexicaines et ma communauté canadienne. Des projets tels que Día de los Muertos Atlantique m’ont permis de célébrer et de partager ma culture de manière significative en rassemblant les gens pour apprendre, se souvenir et établir des connexions.


Fabiola Martinez est une artiste et une leader culturelle d’origine mexicaine qui vit aujourd’hui à Quispamsis. Elle a immigré au Canada en 2007 après ses études en architecture à l’Instituto Tecnológico de Querétaro à Mexico. Depuis 2010 elle s’est épanouie en tant qu’artiste au Nouveau-Brunswick, et œuvre passionnément à l’élaboration de programmes d’art inclusifs pour tous les âges destinés aux écoles, aux organismes sans but lucratif et à des partenaires internationaux. Ses œuvres ont été exposées partout au Canada, aux États-Unis et au Mexique, notamment à Vancouver, à Chicago et en Californie au Lancaster Museum of Art and History. Récipiendaire de subventions d’artsnb et du ministère néo-brunswickois du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture, Fabiola continue d’enrichir les communautés par ses pratiques visionnaires en arts et en éducation.